ADASOPS
Arbitrary Detuning ASynchronous OPtical Sampling
Personnel:
Laura Antonucci
Adeline Bonvalet
Manuel Joffre
Xavier Solinas
La spectroscopie ultrarapide repose sur l’utilisation de deux impulsions séparées d’un retard variable, la seconde impulsion (sonde) permettant de mesurer les modifications induites par la première (pompe) au sein du système étudié, et de reconstruire ainsi point par point la dynamique de ce système. Traditionnellement les deux impulsions sont issues d’un même laser mais parcourent des chemins optiques différents. Le retard entre les deux impulsions est obtenu par déplacement mécanique des optiques d’un des chemins parcourus, comme représenté ci-dessous. Cette méthode est ainsi limitée au domaine subnanoseconde : un délai au-delà de quelques nanosecondes correspond à des déplacements mécaniques de plus d’un mètre, rendant délicat le maintien de pointé nécessaire à l’expérience.
Fig. 1 : Montage conventionnel de spectroscopie pompe-sonde
Une technique plus récente, nommée ASOPS (Asynchronous OPtical Sampling) nécessite deux lasers synchronisés, dont on peut faire varier la phase relative. On dispose alors de deux impulsions séparées d’un retard variable, sans translation mécanique, et dont l’excursion temporelle n’est limitée que par la période du laser de pompe. Son inconvénient majeur est qu’elle nécessite d’asservir la fréquence d’un laser sur l’autre, ce qui implique des modifications de la cavité d’un laser et un système d’asservissement sophistiqué. Il est également possible d'utiliser deux lasers amplifiés, injectés par deux oscillateurs asservis.
Fig. 2 : Montage de spectroscopie pompe-sonde multiéchelle utilisant la méthode ADASOPS.
La méthode que nous avons développée exploite elle aussi deux lasers, mais sans aucune condition sur leurs taux de répétition respectifs. Elle permet d’élargir l’utilisation de l’ASOPS à tout couple de lasers femtosecondes, tout en conservant les avantages de la technique: absence de translation mécanique, grande vitesse de balayage, résolution temporelle sub-picoseconde, excursion temporelle seulement limitée par la période du laser de pompe. Notre méthode consiste à mesurer les fréquences de répétition des deux lasers ainsi que l'évolution du décalage relatif entre les deux trains d’impulsions. Le délai entre chaque couple d’impulsions peut alors être calculé a posteriori, et ce avec une grande précision grâce à la remarquable stabilité en fréquence des oscillateurs femtosecondes. La détermination de l'évolution relative des deux trains d'impulsions peut être réalisée soit optiquement, en détectant avec une photodiode l’interférence linéaire de deux impulsions temporellement superposées [1], soit électroniquement, en détectant chaque train d’impulsions puis en effectuant un traitement numérique dans un FPGA [2]. A l'aide de cette dernière méthode combinée à un algorithme de moyennage implémenté dans le FPGA, nous pouvons déterminer loi décrivant les retards entre les impulsions avec une précision inférieure à 200 fs [2].
La méthode ADASOPS peut être utilisée directement avec deux oscillateurs femtosecondes. Nous avons ainsi mesuré le transfert de charge au sein du centre réactionnel photosynthétique de Rhodobacter Sphaeroides [3], la méthode permettant d’obtenir un très bon rapport signal sur bruit en seulement quelques minutes. Un avantage crucial de notre méthode est d’autoriser l’utilisation d’un oscillateur à dérive de fréquence (CPO) comme laser de pompe, fournissant beaucoup plus d’énergie à un taux de répétition plus faible.
La méthode ADASOPS peut également être utilisée avec deux lasers femtosecondes amplifiés, comme représenté Fig. 2 [4]. Les impulsions amplifiées peuvent en outre être sélectionnées pour assurer des retards aussi proches des valeurs souhaitées que possible, ce qui autorise un balayage du retard à la fois rapide et logarithmique [5].
La version la plus récente notre dispositif ADASOPS est représentée Fig. 3.
Fig. 3 : Dispositif ADASOPS, comportant un FPGA et un Time to Digital Converter.
La méthode ADASOPS est actuellement mise en oeuvre dans différentes expériences du LOB, à l'aide d'une impulsion sonde soit dans le visible soit dans l'infrarouge moyen, dans le cadre d'une collaboration avec Michel Sliwa et Marten Vos (voir dynamique fonctionnelle des protéines). Un exemple de cette collaboration est l'observation de la dynamique du CO2 dans la photoenzyme fatty acid photodecarboxylase, sur des échelle de temps s'étendant des picosecondes à des centaines de microsecondes [6, 7].
La méthode ADASOPS est également en cours de déploiement avec un laser sonde à 250 kHz, dans le cadre du projet ANR ChirADASOPS piloté par Pascale Changenet.
[1] L. Antonucci, X. Solinas, A. Bonvalet, M. Joffre, Asynchronous optical sampling with arbitrary detuning between laser repetition rates, Opt. Express 20, 17928-17937 (2012).
[2] L. Antonucci, X. Solinas, A. Bonvalet, M. Joffre, Electronic measurement of femtosecond time delays for arbitrary-detuning asynchronous optical sampling, Opt. Express 28, 18251-18260 (2020).
[3] L. Antonucci, A. Bonvalet, X. Solinas, M.R. Jones, M.H. Vos, M. Joffre, Arbitrary-detuning asynchronous optical sampling pump-probe spectroscopy of bacterial reaction centers, Opt. Lett. 38, 3322-3324 (2013).
[4] L. Antonucci, A. Bonvalet, X. Solinas, L. Daniault, M. Joffre, Arbitrary-detuning asynchronous optical sampling with amplified laser systems, Opt. Express 23, 27931-27940 (2015).
[5] X. Solinas, L. Antonucci, A. Bonvalet, M. Joffre, Multiscale control and rapid scanning of time delays ranging from picosecond to millisecond, Opt. Express 25, 17811-17819 (2017).
[6] D. Sorigué et al., Mechanism and dynamics of fatty acid photodecarboxylase, Science 372, No. 6538 (2021).
[7] A. Aleksandrov, A. Bonvalet, P. Müller, D. Sorigué, F. Beisson, L. Antonucci, X. Solinas, M. Joffre, Marten Vos, Catalytic mechanism of fatty acid photodecarboxylase: on the detection and stability of the initial carbonyloxy radical intermediate, Ang. Chem. Int. Ed. 63, e202401376 (2024).
Projet financé par les LabEx PALM & NanoSaclay dans le cadre de l’appel à projets Valorisation 2017.