ADASOPS
Arbitrary Detuning ASynchronous OPtical Sampling
La spectroscopie ultrarapide repose sur l’utilisation de deux impulsions séparées d’un retard variable, la seconde impulsion (sonde) permettant de mesurer les modifications induites par la première (pompe) au sein du système étudié, et de reconstruire ainsi point par point la dynamique de ce système. Traditionnellement les deux impulsions sont issues d’un même laser mais parcourent des chemins optiques différents. Le retard entre les deux impulsions est obtenu par déplacement mécanique des optiques d’un des chemins parcourus, comme représenté ci-dessous. Il est ainsi limité au domaine subnanoseconde : un délai au-delà de quelques nanosecondes correspond à des déplacements mécaniques de plus d’un mètre, rendant délicat le maintien de pointé nécessaire à l’expérience.
Une technique plus récente, nommée ASOPS (Asynchronous OPtical Sampling) nécessite deux lasers synchronisés, dont on peut faire varier la phase relative. On dispose alors de deux impulsions séparées d’un retard variable, sans translation mécanique, et dont l’excursion temporelle n’est limitée que par la période du laser de pompe. Son inconvénient majeur est qu’elle nécessite d’asservir la fréquence d’un laser sur l’autre, ce qui implique des modifications de la cavité d’un laser et un système d’asservissement sophistiqué. Il est également possible d'utiliser deux lasers amplifiés, injectés par deux oscillateurs asservis.
La méthode que nous avons développée exploite elle aussi deux lasers, mais sans aucune condition sur leurs taux de répétition respectifs. Elle permet d’élargir l’utilisation de l’ASOPS à tout couple de lasers femtosecondes, tout en conservant les avantages de la technique : absence de translation mécanique, vitesse de balayage, résolution temporelle sub-picoseconde, excursion temporelle seulement limitée par la période du laser de pompe. Cette technique consiste à mesurer les fréquences de répétition des deux lasers ainsi que l'évolution du décalage relatif entre les deux trains d’impulsions. Le délai entre chaque couple d’impulsions peut alors être calculé a posteriori, et ce avec une grande précision grâce à la remarquable stabilité en fréquence des oscillateurs femtosecondes. La détermination de l'évolution relative des deux trains d'impulsions peut être réalisée soit optiquement, en détectant avec une photodiode l’interférence linéaire de deux impulsions temporellement superposées [1], soit électroniquement, en détectant chaque train d’impulsions puis en effectuant un traitement numérique dans un FPGA [2].
Nous avons réalisé au LOB un prototype avec détection optique des coïncidences qui a permis d’atteindre une résolution inférieure à 400 fs sur l’ensemble du domaine temporel de 200ns correspondant à la période de notre laser de pompe. Ce prototype a été appliqué à la mesure du transfert de charge au sein du centre réactionnel photosynthétique de Rhodobacter Sphaeroides [3] et a permis d’obtenir un très bon rapport signal sur bruit en seulement quelques minutes. Un avantage crucial de notre méthode est d’autoriser l’utilisation d’un oscillateur à dérive de fréquence (CPO) comme laser de pompe, fournissant beaucoup plus d’énergie à un taux de répétition plus faible.
Notre méthode peut en outre s’étendre aux lasers femtosecondes amplifiés, comme représenté ci-dessus [4]. Les impulsions amplifiées peuvent en outre être sélectionnées pour assurer des retards aussi proches des valeurs souhaitées que possible, ce qui autorise un balayage du retard à la fois rapide et logarithmique [5].
Plus récemment, nous avons développé un nouveau prototype basé sur des mesures électroniques des décalages temporels entre les impulsions de l'oscillateur de pompe et les impulsions de l'oscillateur de sonde. En appliquant un algorithme de moyenneage implémenté dans un dispositif FPGA, nous extrayons la loi d'évolution avec une résolution inférieure à 200 fs [6]. Cette technique a été mise en œuvre dans un système à deux lasers amplifiés pour une expérience d'absorption IR pour l'observation de la dynamique multi-échelle du CO2 dans la photodécarboxylase d'acide gras [7].
La dernière évolution de notre prototype ADASOPS est illustrée dans la figure suivante.
[1] L. Antonucci, X. Solinas, A. Bonvalet, M. Joffre, Asynchronous optical sampling with arbitrary detuning between laser repetition rates, Opt. Express 20, 17928-17937 (2012).
[2] L. Antonucci, X. Solinas, A. Bonvalet, M. Joffre, Electronic measurement of femtosecond time delays for arbitrary-detuning asynchronous optical sampling, Opt. Express 28, 18251-18260 (2020).
[3] L. Antonucci, A. Bonvalet, X. Solinas, M.R. Jones, M.H. Vos, M. Joffre, Arbitrary-detuning asynchronous optical sampling pump-probe spectroscopy of bacterial reaction centers, Opt. Lett. 38, 3322-3324 (2013), .
[4] L. Antonucci, A. Bonvalet, X. Solinas, L. Daniault, M. Joffre, Arbitrary-detuning asynchronous optical sampling with amplified laser systems, Opt. Express 23, 27931-27940 (2015).
[5] X. Solinas, L. Antonucci, A. Bonvalet, M. Joffre, Multiscale control and rapid scanning of time delays ranging from picosecond to millisecond, Opt. Express 25, 17811-17819 (2017).
[6] L. Antonucci, X.Solinas, A.Bonvalet, M.Joffre, Electronic measurement of femtosecond time delays for arbitrary-detuning asynchronous optical sampling ,Opt. Express 28, 18251-18260 (2020).
[7] D. Sorigué et al. , Mechanism and dynamics of fatty acid photodecarboxylase, Science 372, No. 6538 (2021)
Projet financé par les LabEx PALM & NanoSaclay dans le cadre de l’appel à projets Valorisation 2017.